photo plasticienne ou non ?
|
|
la photographie est vaste ; d’un bord à l’autre il y a deux types d’amateurs avec toutes les nuances entre :
> les amoureux de la photo pure, argentique ou numérique mais qui n’a pas traversé un ordinateur, celle prise sur le vif et sans manipulation
> les amateurs d’art qui, ne cherchant pas la vérité technique, s’intéressent au résultat et sa signification, quel que soit le procédé de prise de vue, de traitement post-photographie ou de mixage photo et autre médium. Après tout on peut aimer une symphonie mais pas l’opéra.
Commençons par 3 exemples :
> sur le pull : une peinture ou une projection ? plutôt un hasard de rencontres amusantes que Bénédicte Hebert a su attraper dans son objectif, lors d’une expostion d’art, et sans aucune manipulation. |
Benedicte Hebert, Ca me regarde n°50, 2008 |
> est-ce une photo "vintage" ? non, c’est un aspect de la Chine d’aujourd’hui, où à 100 mètres près l’on passe du moyen-âge à l’autoroute aérien. Dans cette série consacrée au rouge chinois emblématique du bonheur et de la réussite, Pascal Maljette s’est posé la question de savoir où figure ce rouge là dans le foisonnement des couleurs de la vie chinoise ; il a ainsi décoloré ses photos de toutes leurs couleurs, sauf ce rouge précis |
Pascal Maljette, Huangyao street, 40x30, 2009 |
> cette tache : un accident lors du développement ? pas du tout : Tony Soulié part ici d’une photographie de lui ou non, la transpose sur toile ou sur une lithographie ; puis il la rehausse de matière, peinture et vernis qui sont pour lui des repères personnels, qui accentuent l’aspect dramatique ou narratif et lui donnent une vie nouvelle. |
Tony Soulié, West Coast VII, vers 2011, litho rehausée, 32 x 48, 120 ex |
le mixage art et photo |
les expositions de photo et d’art s’adressent à des publics souvent distincts et se tiennent dans des lieux différents : les unes à la MEP (Maison Européenne de la Photographie), les autres au MAMVP (Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris)... les salons aussi sont sectorisés : Paris-Photo versus Fiac : photo d’un côté, art plastique de l’autre ; mais s’opère un brassage à partir de deux évolutions :
> une "première" décisive dans les 70’s : l’école de Dusseldorf érige la photo au rang d’oeuvre d’art en l’agrandissant et la présentant comme un tableau, grâce à la photo printée en haute qualité de sorte que les amateurs d’art se sont intéressés aux deux mondes (art plastique et photo), ainsi que les institutions : en 2005 le Jeu de Paume exposait à la fois Charly Chaplin et Tony Ousler (mais dans des salles séparées...)
|
![]() une typique photo plasticienne : Cerise Doucède, série Egarements_2011 |
...avec en corrolaire une confusion des genres par l’amateur peu informé : n’importe quelle photo n’est pas une oeuvre d’art ! certains amateurs ne savent plus s’il achètent une oeuvre ou un objet de collection, ce qui est assez différent sur le concept comme sur le marché. De plus certaines appellations sont mal comprises, or elles conditionnent la valeur d’un cliché : vintage, retirage, tirage, etc.
Notez que c’est actuellement la même situation avec le design !
la photo d’art résulte d’une quête artistique
la photo d’art (ou "photo plasticienne") est un moyen d’expression artistique parmi d’autres. |
Gustave Le Gray, 1852 : |
![]() |
Les artistes actuels utilisent le media photo comme un de leurs outils, leur but étant d’imaginer une image qui traduise un sentiment ou une recherche esthétique particulière > c’est évident, le rouge de cette photo repeinte par Zhou Jun évoque le communisme ; mais en Chine la couleur rouge est le symbole de succès et de bonheur qui, ici, vont toujours ensemble
Zhou Jun, Beijing, Hujialou, série Area, 2006
|
à l’aube de la photographie, certains peintres ont craint son réalisme qui leur a ôté leur fonction documentaire ; mais pas les artistes peintres car la différence essentielle est que les artistes imaginent leurs images, alors que les photographes les empruntent : l’une est création, l’autre est révélation.
Actuellement, voyez ces millions de clichés pris dans le monde en rafales par des robots, caméra de surveillance ou sur les réseaux sociaux, clichés qu’il suffit de choisir ensuite : statistiquement il y en aura toujours un d’excellent, mais où est l’acte de création ?
La prise de vue numérique alliée à Photoshop peut produire des images sublimes, mais pas forcément artistiques ; beauté n’est pas systématiquement art ; à l’inverse, les très grands formats photos printés sont aussi un moyen pour l’artiste photographe de s’approcher de la peinture ; il est pas toujours facile de distinguer une démarche créatrice d’une purement technique.
La vraie réponse pour l’amateur d’art est de savoir si une photo résulte d’une quête artistique ou non ; la réponse réside donc chez l’auteur : est-il artiste ou artisan-photographe ? parfois il est l’un, parfois l’autre
il n’y a pas toujours séparation nette entre l’artiste photographe qui crée au sein d’une démarche artistique, et l’artisan photographe qui s’appuye sur sa maîtrise technique et sur son observation ; certains font parfois l’un, parfois l’autre :
> ainsi, ce photographe dont l’oeuvre est hétéroclite, allant du reportage à la composition ; la photo de gauche se place dans l’art car l’utilisation faite des spots verts sur une prise de vue travaillée comme en studio a pour but de "magnifier la fantasmagorie du commerce de masse, dont les acteurs rappellent des fantômes en plastique venus d’un autre monde") ; celle de droite, splendide, appartient pourtant au reportage |
Jiri Krenek (prix Talentinum 2001, Grand Prix du Salon de l’auto à Paris 2003, deuxième prix Jaromir Funke 2003) est un tchèque qui se libère de savoir dans quel genre il se place quand il travaille
(courtoisie CCTchèque Paris)
|
![]() |
![]() |
> par la transversalité des arts contemporains, le passage de reporter-photographe ou photographe de mode à artiste est fréquent, dans les deux sens et de manière alternée ; un cas célèbre est David LaChapelle, démonstration par cette exposition
> Thomas Ruff il y a 25 ans, a commencé par de grands portraits de gens impénétrables ou d’immeubles sans âme, images classiques ; puis il est sorti de ce style documentaire pour étudier la perception de l’image ; sa démarche alors se place en avant de l’image (qui provient de n’importe où, piquée sur internet...), celle-ci ne faisant que traduire cette recherche : il s’agit de mettre une distance entre l’image et la réalité, pour montrer que certaines images ne reflètent pas une vérité, mais viennent d’un artifice ; on n’est plus ici dans la photo pure, mais dans l’art ; un de ses procédés est la multi-pixelisation >> |
![]() clic = découvrez le traitement effectué
|
![]() |
> ou encore Franco Fontana qui a réussi avec ses Landscapes de véritables oeuvres abstraites minimales, par une recherche notamment sur le cadrage
Landscape, 1990 |
> fotofever, la foire dédiée à la photo artistique actuelle
|
le terme artisan exprime un savoir-faire technique et professionnel ; ainsi un artisan photographe doit faire des photos techniquement parfaites ; de sorte que cette perfection peut passer pour de l’art : distinguer l’artiste de l’artisan (au sens noble du terme) est subtil :
> Depardon dans les années 80 prenait des clichés qu’il commentait par de courts textes ; cette sorte de narration figurative se situer à mi-chemin de la création et du reportage > Robert Zhao Renhui a obtenu le prix Découverte des Rencontres d’Arles de 2015, avec cet photo extraordinaire d’un ours polaire ; c’est un bel exemple d’une photo documentaire de haute qualité visuelle et technique
Comparez ces deux célébrités apparemment proches : |
![]() Robert Zhao Renhui, Gros ours polaire nageant dans la baie d’Hudson, 2013 / clic=zoom |
> les images gigantesques de Thomas Struth sont célèbres par sa totale maîtrise : observation du sujet, prises de vues, cadrages, lumière... tout ce qui concourt à la révélation sublimée du sujet ; mais ces oeuvres appartiennent au témoignage
> Andreas Gursky, s’il crée des vues qui ressemblent à priori à celles de Struth, a une démarche plus créatrice : partant de vues combinées prises à partir d’échafaudages (par exemple), il retouche subtilement l’image finale sur ordinateur pour accentuer les effets de foule afin d’exprimer une force, une densité ; il sait d’avance quel résultat il souhaite atteindre.
Pourtant un photographe-reporter peut créer un chef-d’oeuvre artistique, par le talent allié à la passion et la sincérité qui engendre une émotion particulière ;
Steve McCurry, série Afghans pour Magnum, portrait de Shabat Gula,
|
![]() |
David Hamilton dit la même chose : "quelle distinction faites-vous entre le photographe-témoin et le photographe-créateur ?"-"le témoin fait ce que nous voyons chaque jour ... le créateur se trouve devant sa feuille blanche, comme un peintre, il doit inventer son monde à lui" [interview Zoom 1er sem.1984]. CQFD
actuellement tout propriétaire d’un smartphone peut se considérer photographe... alors, quand la photographie s’élève-t-elle au rang artistique ?
C’est la question que soulève notre partenaire fotofever, et qu’il développe ici
même le fisc fait la distinction ! |
Bien sûr se pose la question des critères et du jugement de cette intention, mais une photo de reportage "porte-t-elle une intention créatrice manifeste" ? pas plus qu’une photo de vos vacances ! |
voyez aussi :
la MEP (Maison Européenne de la Photographie) lance 3 master-class en ligne sur la photographie japonaise |
![]() |
la nature transcendée par Miloje Todorovitch, un petit maître au style Nabis une belle exposition virtuelle organisée par Les Atamanes |
le MAD invite 40 créateurs art majeur et mineur font bon ménage au Musée des Arts Décoratifs (MAD),dans une exposition ouverte |
|
achetez art, design, décoration |
(Almanart est annonceur, pas place de marché)
abonnez-vous, entrez ici votre e-mail :
utilisez ces fonctions : Plan du site |
Imprimer
|
Contact
|
Favoris
|
Aide
|
Lien coupé
|
Envoyer à un ami
|
RSS 2.0
Copie ou utilisation non autorisée contenu ou style, est contrefaçon ; site déposé à l'APP ; Almanart est une marque déposée, lire la suite... Réalisation Jmtconseils