le "flou" en art, une fête trouble

le flou ouvre notre vision

en utlisant les techniques du flou, les peintres, plasticiens et photographes nous conduisent non pas vers une dégénérescence artistique mais vers une ouverture, une façon plus participative de regarder l’art ;

cette page repose principalement sur l’exposition "Dans le flou, une autre vision de l’art, de 1945 à nos jours" au Musée de l’Orangerie, organisée par thèmes ;

mais nous optons ici pour la chronologie :
ces artistes créent du flou, du trouble, du vaporeux, du liquifié... :

les peintres anciens
les artistes modernes
les artistes contemporains
les artistes actuels
(différence modernes-contemporains-actuels)
et la photographie ?

par Claude Léger et Georges Maisonneuve

"Dans le flou, Une autre vision de l’art"...

... titre cette exposition majeure et originale par son sujet ; ce décor à l’entrée vous met dans l’ambiance : tout flou ! était-ce une vraie personne, une photo ou une sculpture de Giacometti ?

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> les merveilleuses étendues aquatiques des Nymphéas impressionnistes de Claude Monet sont le point d’articulation de ce thème du flou en peinture : profitez de les revoir en ce lieu (avec le même ticket)
> au Musée de l’Orangerie jusqu’au 18 août 2025

> accueil d’Almanart

> sommaire thèmes

focus : le flou en art plastique, les photos floutées et peinutres floues, les techniques artistiques du flou, la vision trouble

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Il y a deux approches du thème "le flou", en art comme en photographie :

le flouté de réalisation : il évoque l’érosion des certitudes face au visible, il ouvre le champ des possibles et permet d’exprimer le transitoire, le désordre, le mouvement, l’inachevé voire le doute ; le flou est le domaine de l’indéterminé, de l’indistinct, de l’allusion : il ouvre notre imagination de regardeur ; c’est un élément déstabilisteur mais aussi une ouverture d’esprit : « je cherche des images suffisamment imprécises ... sur lesquelles le spectateur peut broder » [Christian Boltanski]

l’ambiguïté du sujet : l’artiste laisse volontairement place à plusieurs interprétations de son oeuvre, contrairement à l’art classique qui veut transmettre un message clair ; elle stimule notre réflexion, notre engagement comme spectateur dans une interaction plus profonde ; l’oeuvre reste ouverte, elle peut évoluer dans le temps et le contexte.

Ces propriétés artistiques du flou ont été exploitées depuis longtemps :

les anciens peintres font du sfumato

on pourrait qualifier la technique du sfumato comme prémice du floutage d’un motif, mais c’était pour le rendre plus réaliste et non pas moins précis ; rendre un motif moins distinct est une autre façon, plus récente :

< comme amorce de l’usage du flou, l’exposition à l’Orangerie propose ce paysage bien connu de Turner datant de 1845, ainsi qu’une oeuvre symboliste de 1911 ;

mais elle s’appuie évidemment sur les emblématiques Nymphéas, présents en ce lieu, plus tardifs (1914 à 1926) que le célèbre tableau Impression Soleil Levant, fondateur de l’impressionnisme que Monet avait réalisé dès 1872 ; cette peinture liquéfiée n’était pas appréciée à l’époque, critiquée comme inachevée

William Turner Paysage avec une Rivière et une Baie v1845 94x163
(courtoisie Le Louvre) ... clic=zoom

A noter qu’en fin 19è début du 20è siècle des artistes sont aussi inspirés par les premières techniques scientifiques d’imagerie dévoilant aussi bien le monde microscopique (les atomes...) que macroscopique (les planètes...) ; ces images imprécises ont excité leur curiosité

les artistes modernes tournent autour

les artistes modernes (ceux d’entre deux-guerres) n’ont pas développé de technique picturale floue, sauf marginalement pour certaines oeuvres abstraites ; l’époque était plutôt au réalisme cru, comme la Nouvelle Objectivité, le Novecento ou des réactions anarchiques comme le Dadaïsme (voir la chronologie des mouvements et genres) ;
mais tout-de-même l’incertitude et l’indétermination s’y sont bien exprimées, mais sous d’autres aspects : l’art optique, ou le surréalisme qui propose plutôt une ambiguïté conceptuelle comme par cette toile célèbre : "La Trahison des images, Ceci n’est pas une Pipe" (1929) de René Magritte, explications

les artistes contemporains floutent à tours de pinceaux

l’art contemporain, lui, foisonne d’oeuvres floues, pourquoi ? "c’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que se déploie la dimension politique de l’esthétique du flou ; face à la diffficulté de représenter l’irreprésentable, le flou voile une réalité que le regard ne peut soutenir" [DP] ; par cette représentation estompée, des artistes proposent une vision poétique mais désenchantée des tragédies ;

par ailleurs l’art abstrait, devenu populaire, leur offre un terrain imaginatif tout aussi vaporeux que débridé :

> notamment vous découvrez avec surprise
ce curieux tableau de Hans Hartung, qu’on
pourrait plutôt attribuer à Mark Rothko :

Hans Hartung T1982-H31 1982 185x300
(courtoisie Fond. Hartung-Bergman)
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or de la mouvance abstraite mais avec des effets visuellement proches, d’autres artistes jouent sur les lisières du l’ intelligible, recherchant le trouble visuel, voire le malaise

> ainsi ce jeu graphique de Wojciech Fangor (dans sa deuxième
période picturale) ; il obtient un effet trouble sur cette cible,
dans l’esprit du graphisme Op art ou Color Field, des courants
artistiques qui n’ont rien de commun avec l’abstraction qui, elle,
exprime par exemple l’état d’âme de l’artiste ;
ne pas confondre ces oeuvres graphiquement assez proches

Fangor Wojciech
N17 1963 100x100
(courtoisie MOMA)
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les artistes actuels expriment leur monde incertain

les artistes actuels sont particulièrement intéressés par le concept du flou qui d’une part exprime bien l’instabilité de notre monde, ainsi que le mouvement, les évolutions rapides qui le caractérise ; mais la face positive de ce monde est aussi révélée de la même manière, comme un possible ré-enchantement ; deux exemples :

< Philippe Cognée utilise une peinture à l’encaustique et de la cire d’abeille chauffée pour métamorphoser ses motifs réalistes, constituant une vision précaire de nos environnements urbains au bord de l’effondrement

Philippe Cognée
Métamorphose 1, 2011, peinture à la cire
(coll.particulière, courtoisie Musée Orangerie)
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< ceci n’est pas une photo !
tout à l’opposé de Cognée, Gerhard Richter exprime subtilement par cette merveilleuse huile le mouvement lent de fin de vie ; un chef-d’oeuvre devant lequel vous restez scotché...

Gerhard Richter
1994 huile 71x51
(courtoisie musée Art ctp Nimes)
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une photographie floue est-elle ratée ?

photo ratée suggère une fausse manip, une erreur du photographe ou une détérioration ; mais il arrive qu’une photo à vocation documentaire "ratée" peut devenir une photo artistique par le questionnement qu’elle induit lors de sa contemplation ; vient alors une ouverture d’interprétation qui fait surgir l’imprévu ;

> intrigué par cet aspect, le cinéaste Sébastien Lifshitz
a collectionné une centaine de vieilles photos d’amateurs
sur le critère du flou ; généralement cela relève d’un
cliché raté, mais qui passe alors de l’objectivité
à une subjectivité où "chacun peut y projeter ses
propres souvenirs" [DP]