l’emballement Christo, au Centre Pompidou

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jusqu’au 19/10/20

quartier
de Beaubourg

Centre Pompidou

12 €

place Georges-Pompidou

> accueil d’Almanart

les meilleures expos en cours

toutes images : exposition Christo et Jeanne-Claude - Paris ! au Centre Pompidou (courtoisie Centre Pompidou et Adagp) / clic = zoom

cette exposition formidable consacrée à Christo et Jeanne-Claude retrace l’histoire du projet d’emballer le Pont-Neuf à Paris, entre 1975-1985, et permet de comprendre cet aboutissement en revenant sur leur période parisienne, entre 1958 et 1964, avant l’empaquetage de l’arc de triomphe prévu en 2021, projet qui date de... 1961

l’emballement Christo

Christo Vladimiroff Javacheff puis Jeanne-Claude Denat ont ensemble "trouvé un truc" : l’emballage ! certes pour s’exprimer, mais aussi pour se distinguer dans la course à l’originalité, ce sport des années 60’s chez les Nouveaux Réalistes auquel Restany les rattachait

"Les Christo" (ils ont toujours travaillé à deux) ont développé cette démarche pendant 60 ans ; les parisiens sidérés ont pu la voir en 1985 par l’empaquetage du Pont-Neuf, qui n’a pas fait couler que la Seine...

> une bonne moitié de l’exposition y est consacrée, étayée par une abondante illustration permettant de comprendre par le détail le processus d’étude et de réalisation de cette oeuvre majeure

projection numérique
du Pont-Neuf emballé en 1985
clic=zoom)

que signifie cette démarche d’empaquetage ?

ce processus d’emballage n’est pas seulement spectaculaire, médiatique, il a du sens (ce qui distingue l’artiste de premier plan) ; mais quel est ce sens, ou plutot ces sens ?
il repose sur un socle : la longue formation de sculpteur de Christo, son désir de liberté (il a fuit la Bulgarie communiste) et enfin son refus de la figuration : "pour moi, tout ce qui a une signification relève de la propagande" (héritage de la contestation soixantehuitarde)

> difficile car Christo lui-même, au départ (1958), brouille les pistes : "Je ne peux pas expliquer pourquoi j’empaquetais", ’c’est un geste littéral". Tentons donc de vous éclairer en nous appuyant sur la documentation disponible :

à l’origine, un geste politique

> l’année de l’édification du Mur de Berlin (1961), Christo barre la rue Visconti -centre des arts à Paris- d’un mur de barils, ce qui le propulse à la une de la presse locale

> cette accumulation ressemble à celles d’Arman (autre Nouveau Réaliste) mais plus politique ; simultanément Christo et Jeanne-Claude créent (déjà ensemble) des empaquetages, notamment de ces barils =>

mur rue Visconti 1961 collage
photo et argumentaire / clic=zoom

barils empaquetés 1958-61 / clic = zoom

momification, effacement et mobilité

> bien sûr une première idée qui vous vient est un geste de momification, de conservation, surtout pour les oeuvres que Christo nommait "personnages" ;
mais le fait qu’il enveloppait toutes sortes d’objets au sein d’Inventaires morbides, évoque l’effacement de leur particularité, et aussi la mobilité car "l’idée de ballot, de baluchon, semble à l’aune de la notion de nomadisme" [Sophie Duplaix Commissaire de l’exposition]

Torse empaqheté 1958
(courtoisie Mus Van Beuningen)
clic=zoom

érotisme

> le parallèle aux bandages érotiques s’impose, que Christo ne renie pas : "le tissu est presque comme un prolongement de notre peau" et les cordes enserrent voire étranglent ;
d’ailleurs entre 1961 et 1963 il utilise des feuilles de polyéthylène semi-transparent pour emballer des sculptures dans les parcs ou des portraits (y compris celui de Brigitte Bardot ou d’un mannequin nu) : "empaqueter une femme m’a surtout été inspirée par la sculpture classique, mais de manière très inconsciente"

Portrait de Jeanne-Claude 1963
clic=zoom

la révélation par la dissimulation

révélation de l’objet : c’est l’idée-force que finalement nous retiendrons, car elle explique l’enveloppement des grands monuments ou grands espaces (ceux dont on n’a pas de vue structurelle sans recul), oeuvres qui se concrétiseront dès les années 90 ; "c’est moins la dissimulation de quelque contenu secret que les possibilités visuellement expressives des volumes" [Nicholas Baume, critique], ce qui nous rappelle que Christo était avant tout un sculpteur ; "dans le processus de l’empaquetage les objets sont soumis, par le tracé des cordes, à l’analyse de leur structure interne" [Sophie Duplaix].

Preuve de l’importance de ce concept dans l’oeuvre de Christo et Jeanne-Claude : le projet d’emballage de l’Arc de Triomphe date de... 1963 ! mais ne verra le jour qu’en 2021, après leur décès.